Les faisans des îles by Ross Thomas

Auteur:Ross Thomas [Thomas, Ross]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782869304185
Éditeur: Rivages
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

22

Durant remarqua d’abord les gardes du corps : une paire presque assortie de Philippins costauds et carrés proches de la quarantaine, l’œil alerte, les mains vides et une bosse identique sur la hanche droite, sous le pan raccourci de la chemise de sport.

Un de leurs protégés se précipitait sur ses petites jambes grassouillettes en direction du drugstore-kiosque à journaux du Manila Hotel. Il était suivi d’une fillette de neuf ans qui tâchait de ne pas se presser, afin de paraître compassée, adulte, et de contraster vivement avec le mouflet de six ans, son frère, dont ses parents continuaient de jurer que ce n’était pas un enfant adopté.

Entre les gardes du corps marchait la mère, jolie femme dans la trentaine, pas tout à fait rondelette, vêtue d’une robe de toile noire à liséré blanc que Durant soupçonnait de provenir de chez Neiman-Marcus. Il savait que Neiman-Marcus était la seule chose qui eût jamais plu à la femme à Dallas.

Quittant son fauteuil, Durant effectua une trajectoire lente et détournée à travers le hall, pour que la femme et les deux gardes du corps le voient simultanément. Mais le plus vif des gardes le remarqua le premier et ce qu’il voyait ne lui plut manifestement pas.

Le garde interpella sèchement son équipier qui fit filer le garçon et la fillette à l’intérieur du drugstore-journaux. L’autre se planta fermement devant la femme, la main droite se portant en arrière vers la bosse cachée de sa hanche. Durant s’immobilisa. La femme en robe noire à liséré blanc toucha le bras du garde du corps et dit quelque chose qui le fit se détendre.

La femme qui, derrière le garde du corps et un peu à sa droite, adressait maintenant un sourire à Durant était Restituta Ortiz, miséricordieusement appelée Tootie par presque tout le monde. Elle était mariée à Cristobal Ortiz qui avait tout d’abord investi son modeste patrimoine dans la banque et le transport naval, avec des résultats convenables, et ensuite dans la politique, qui l’avait rendu riche.

La défunte Emily Cariaga et Tootie Ortiz avaient grandi ensemble à Manille et plus tard avaient passé un an chez Miss Hockaday à Dallas, séjour dont elles avaient détesté chaque minute. De retour à Manille elles s’étaient mariées à un mois d’intervalle. Quand la liaison de Durant et Emily Cariaga avait commencé – alors que le mari trompé Patrocinio Cariaga vivait encore – c’est Tootie Ortiz qui avait servi d’intermédiaire aux amants, alors même qu’elle était désespérément incapable de transmettre les messages au lieu et à l’heure dits. Mais elle avait approuvé la liaison de tout son cœur car, ainsi qu’Emily Cariaga l’avait dit un jour : « Tootie aime tout ce qui est romanesque, audacieux et sale… pourvu que ce soit à distance. »

Quand Durant la rejoignit, la première chose que fit Tootie Ortiz fut de lui prendre la main droite entre les siennes en chuchotant :

— C’était beau, Quincy. C’était la plus belle messe de requiem que j’aie jamais vue.

— J’aurais aimé y être, Tootie, mais… (Il haussa

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